jeudi 13 août 2009

La culture est en laisse. Il se passe quelque chose au Québec actuellement, quelque chose de néfaste (ben oui!) pour la culture et, pour une fois, Harper n'y est pour rien. Notre culture est tenue en laisse. Le problème principal m'apparaît toujours être l'hyper-centralisation de celle-ci. Pour l'instant, hors de Montréal point de salut. Car pour l'élite culturelle de Montréal - Radio-Canada en tête - ce qui vient d'ailleurs dans la Province paraît encore n'avoir de valeur que si l'anecdote est exotique ou suscite la controverse. On se dit, sans trop y réfléchir sûrement : "de toute façon si tel ou tel artiste vaut la peine d'être entendu, il viendra se faire entendre à Montréal" et sa présence sur le plateau de Tout le monde en parle aux côtés de Julie Couillard prouvera qu'on a eu raison de s'intéresser à son cas et qu'il s'agit là d'un autre succes story exemplaire. En soit, cela représente effectivement une belle réussite. Il y a de quoi s'en réjouir car la rumeur se répandra alors et les ventes gonfleront ; la culture s'en portera donc mieux. Où est le problème alors ? D'abord cela dénote un manque de curiosité flagrant qui mine l'ensemble de notre société, ensuite cela révèle aussi l'absence d'alternative pour y remédier. C'est en cela que la culture québécoise me paraît muselée.

Dans mon cas bien personnel, si j'avais désiré mener une carrière me donnant l'opportunité de débattre sur des plateaux de télévision de sujets et d'autres - personnels ou d'ordre général - la mauvaise idée aurait été de demeurer à Québec pensant y arriver un jour. Et ma frustration n'aurait pas été bien légitime aujourd'hui. Si, comme je l'ai toujours dit, j'ai choisi de demeurer à Québec pour exercer le métier d'acteur parce que cet endroit me paraît être le lieu idéal pour pratiquer les arts de la scène, je n'ai pas à m'étonner que l'on ne parle pas de mes performances dans le journal La Presse le lendemain. Jusque là, ça va.

Ce qui me désole néanmoins, c'est ce qu'on obtient lorsqu'on on cherche à contourner le grand circuit de médias dit populaires qui englobe la presque totalité des stations de télévision, des journaux et des postes de radio, pour fréquenter les ondes et les courants un peu plus marginaux s'attendant à trouver là une couverture plus originale et innovatrice de notre culture. Niet. Plus rien. Quelques encarts discrets dans le journal Voir, à la radio de Radio-Canada, à Télé-Québec et c'est tout. Alors, on se rabat sur la radio communautaire, sur les journaux de quartier et les blogs, mais il est malheureusement encore difficile d'engendrer un courant nouveau au Québec avec ça. Par exemple, si je ne vais pas chercher l'information, on n'osera jamais me renseigner sur ce qu'expose telle galerie d'art en Gaspésie, sur la programmation du prochain festival de poésie de Trois-Rivières ou sur celle du festival de la marionnettes à Saguenay. Si je veux en savoir plus sur la carrière de tel acteur de théâtre qui en est à sa cent-cinquantième production théâtrale, je dois vraissemblablement attendre pour cela qu'on ait épuisé toute la distribution de Virginie à l'émission Entrée des artistes à ARTV...

Certains de ceux qui chapeautent et orientent présentement notre culture rêvent du jour où ils s'envoleront dans l'espace, d'autres rêvent de posséder leur club de hockey de la LNH, d'autres cherchent quelles autres grosses jokes poches ils donneront à entendre au Bye Bye de l'année prochaine, moi, pendant ce temps-là, je rêve qu'on la lâche lousse, ma culture, qu'on lui donne de l'air!!!

10 commentaires:

Anonyme a dit…

La critique (et la couverture d'art) n'a plus place dans les médias, remplacée par de la presse people, des petites chroniques cutes. Voilà pourquoi ceux qui auraient l'ouverture et la passion de parler et diffuser de véritables artisans de l'art doivent de rabattre sur des médias périphériques payant mal, et même carrément sur des médias communautaires et web, malgré des contenus de niveaux professionnels. Certains réussissent néanmoins à aller chercher une part respectable de lecteur et d'auditeur, avec parfois un impact étonnant (surtout dans des créneaux d'art pauvres, comme le théâtre, la danse, certains types de musique, etc...) compte tenu de leurs moyens souvent pratiquement nuls, mais ne peuvent remplacer des médias nationaux.

Être journaliste culturel, chroniqueur d'art ou critique actuellement découle de la folie. Il n'y a tout simplement aucun débouché, les tarifs sont dérisoires, et que de très rares piges, souvent dévolue en prépapier téteux pour grosses institutions qui ont encore les moyens de se payer une pub, et qui déguisent leur showbizz piloté par une armée de marketeux, en art, question de téter des sub. Ah le prépapier licheux, là tu peux faire 3-4 feuillets. Puis quand vient la critique, s’il y en a une, souvent une torchade de 1200 caractères faite par le dernier stagiaire non rémunéré.

À l'intellectuel érudit et articulé et journaliste intègre, pouvant nourrir son propos et exposer autre chose que des vedettes pop, on préfère souvent le ou la petit(e) cute qui a l'air si fin(e), avec le beau sourire et la voix soleil, qui procède du lichage habituel, pis qui passe si bien à la télévision en plaisant aux grosses matantes. Ne parlons pas du népotisme, du pluggisme et autre passe droit qui finissent par mettre en place les plouc à papa insignifiant qui meublent ce qui nous reste de médias supposément subventionnés afin de couvrir ce qui serait moins rentable pour un média privé, mais qui ne le fait absolument pas.

Hugues a dit…

Il faut être sacrément débrouillard comme "consommateur culturel" pour accéder à la "marchandise" susceptible de nous convenir. De mon côté, je me rabat souvent sur les médias français pour avoir une approche déjà plus fouillée d'un sujet, même québécois ; par exemple la couverture médiatique offerte à Coeur de Pirate en France depuis un mois versus le "scoop" qu'a rapporté le journal Le Soleil il y a deux semaines concernant ses antécédents, journal qui, soit dit en passant, n'a plus de journaliste attitré pour couvrir le théatre à Québec depuis le départ à la retraite de Jean Saint-Hilaire... Ou encore les superbes entrevues réalisées avec Wajdi Mouawad par différents médias français lors de son passage à Avignon. Je vais paraître péteux de broue, mais j'ai tellement hâte de pouvoir accéder au contenu en ligne diffusé par ARTE (plus7arte.tv) qui, pour de stupides raisons de droit, ne nous est pas permis au Canada. Ça mériterait une pétition ! Plus près de moi, il y a le blog "Burpblog" aussi qui fait de l'excellent travail de dépistage.

Anonyme a dit…

Les journaux n'embauchent plus aucun critique permanent, que des pigistes. Au taux payé par plusieurs d'entre eux, pour faire disons 30 000 $ (je rêve), il faut pondre entre 300 à 600 critiques. Quand tu penses que la plupart des journaux ont une réserve assez imposante de ces pigistes, qui simplement se ramassent la plupart du temps à vendre 4-5 critiques par mois - vraiment plus le nombre de feuillets d'il y a 20 ans - très court, valse clichée obligée.

La chronique culturelle sérieuse, mouhahaha, j'ai déjà expliqué ci-haut. Bizarrement, les critiques les plus actifs, et souvent les plus articulés du fait d'une exposition massive à de multiples oeuvres, sont maintenant sur... internet, il y en a bien 2 ou 3 auquel je me fie plus volontiers qu'un journal en situation de manque de revenus publicitaires.

Mais ça a ses limites. Ces derniers couvrent surtout des sous-milieux de milieux déjà marginaux, exemples le jazz fusion, sous-division du jazz, ou le théâtre émergeant et de création, parent pauvre du théâtre showbizz, c'est un peu moins grand public. Même les institutions culturelles fédératives sont en état de banqueroute relative (plus de Galas des Masques, portail Théâtre Québec au point mort, etc., etc., ).

Ça va mal à la shop.

Hugues a dit…

Là où les décideurs-médias se trompent c'est lorsqu'ils s'imaginent que le citoyen lambda n'en a rien à cirer de la diversité de l'offre culturelle alors que tout prouve le contraire. Tout un chacun a, dans un domaine culturel ou un autre, des goûts particuliers et l'envie qu'ils soient comblés.

Certains journalistes - radio notamment - m'ont exprimé leur désarroi constatant le peu de vision à court terme manifesté par leurs patrons lors même que les salles de théâtre à Québec se remplissent et que - curiosité aidant - un public plus large s'ouvre à nous. Le discours qui perdure est le suivant : "le théâtre, c'est fait pour les élites" et ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour en ignorer l'apport le plus longtemps possible. Ce sur-place et même parfois ces tentatives délibérées de noyer l'essor artistique de notre milieu sont des plus déplorables. Et les journalistes culturels de métier - ceux qui restent - paraissent bien dépourvus.

Anonyme a dit…

En regard des cachets versés aux comédiens de théâtre, risibles, quand cachet il y a (pluie d'autogérés et semblables...) le comédien "théâtral de métier" (pas en terme de qualité, mais en terme de capacité à gagner sa vie avec ça, et d'avoir assez d'exposition pour de dévelloper) s'apparente étroitement , en terme de situation, au "journaliste culturel de métier".

Popularité grandissante ou pas, il y en a de moins en moins, "de métier".

En dehors de la vieille garde et du théâtre de showbizz des grosses boîtes (qui ne paient pas tellement plus), je ne connais que quelques cas isolés de comédiens vivant décemment exclusivement du théâtre.

Critique et comédiens servent de la bière, où se prostituent dans l'entertainement médiatique de la facilité.

Anonyme a dit…

Très intéressant, encore une fois. Je t'invite à aller lire la dernière chronique de Michel Vézina sur montréalexpress.com. Vos opinions sont plutôt complémentaires.

Hugues a dit…

Effectivement, l'opinion de Michel Vézina fait référence aux mêmes inquiétudes. J'ai un peu l'impression comme lui que le Québec rural et le Québec du grand Montréal ne se comprennent plus tout à fait, ne parlent plus le même langage. Je suis à Montréal présentement pour le travail et le manque de curiosité est, je dois l'admettre, tout aussi manifeste de mon côté concernant cette ville que celle que manifeste Richard Martineau à l'égard du reste du Québec par exemple. Au moment même où une parade incroyable, celle de la Fierté Gay, se déroule à quelques coins de rue d'où je loge, je n'ose pas mettre le nez dehors pour satisfaire ma curiosité... À ma défense, je tiens à dire que je suis du genre impressionnable.

D'autre part, suite aux réflexions des derniers jours, je commence à croire qu'il existe une piste de solution quelque part, probablement dans les médias alternatifs notamment cette belle grande Toile. Je crois que les échanges qui y ont lieu jour après jour entre praticiens, consommateurs culturels, blogueurs et journalistes peuvent apporter de l'eau au moulin et pourquoi pas orienter imperceptiblement l'ensemble des citoyens vers une meilleure façon de concevoir les multiples avenues culturelles qui lui sont proposées. Peut-être ainsi assisterons un jour à une réconciliation nationale autour d'un projet et d'une identité commune. Alors, les ciniques et les parvenus n'auront qu'à bien se tenir !

mhv a dit…

Bon, je venais pour corriger le lien puisque c'est montrealexpress.ca et pour réessayer d'insérer un lien htlm, mais je vois que tu t'es rendu quand même!
Oui, il y a un salut en dehors des médias traditionnels et espérons qu'ils vont prendre une place grandissante. Et cette fois-ci j'espère ne pas rester anonyme!

Anonyme a dit…

Oui, mais l'anonyme du 1e au 4e commentaires, c'est pas le même anonyme que les deux derniers.

mhv a dit…

Il ne faut pas mêler les anonymes!! ;-)