vendredi 19 mars 2010

Nostalgie

Dans deux jours, se terminera notre série de spectacles au Théâtre de Quat'Sous, rue des Pins à Montréal. J'y étais de la distribution de On achève bien les chevaux, une adaptation d'un roman de Horace McCoy fait par M.-J. Bastien qui a également signé la mise en scène. Dans la salle intimiste du Quat'Sous, le spectacle n'aura peut-être pas connu autant de succès que nous l'aurions espéré étant donné l'accueil enthousiaste que nous avions reçu à Québec à sa création. Est-ce dû au manque de dégagement propre à cette salle qui a fait en sorte que notre proposition et notre niveau de jeu, franc et généreux, ont pu brusquer une partie du public se sentant bombarbé par nos bons sentiments ? C'est bien probable si l'on songe au cynisme propre à notre époque où, règle générale, on est plutôt rébarbatif à tout ce qui s'approche du mélodrame. Dommage.

Enfin, me concernant, l'expérience fut très agréable quand même. J'étais très heureux de retrouver ces murs dans lesquels je m'étais déjà commis il y a 12 ans de cela, soit au tout début de ma carrière. Pierre Bernard, alors directeur artistique du Quat'Sous, m'avait téléphoné quelques mois après ma sortie du Conservatoire d'Art Dramatique de Québec pour me proposer un rôle dans le Trainspotting qu'il avait offert à Wajdi Mouawad à la mise en scène. Je me souviens que ce coup de fil m'avait confirmé que j'étais bel et bien lancé et que le métier allait probablement me sourire désormais. Le succès de l'entreprise fut telle qu'elle hante encore les murs de ce théâtre même après l'incendie dévastateur qui a ravagé l'endroit il y a quelques années. Pour moi, en tout cas, ce retour aux sources est très bénéfique et me rappelle de biens bons souvenirs...

Je retrouverai bientôt mon ami Wajdi, car nous allons reprendre l'aventure de Les Trois Soeurs de Anton Tchékhov qu'il avait initialement mis en scène au Théâtre du Trident en 2002. Nous transporterons notre lecture de cette oeuvre magistrale à Moscou même en juillet prochain. L'aventure s'annonce passionnante et me permettra une fois de plus de renouer avec de formidables souvenirs...

Deviendrais-je nostalgique ma foi ?

dimanche 14 mars 2010

De passage, le voyageur voit rouge.

LE VOYAGEUR, ironisant à peine : Il est de ces villes où je m'étonne de voir que les murs des bâtiments tiennent encore, des Sodome et Gomorrhe des temps moderne. Par exemple ici, je constate qu'une bonne vieille Révolution Culturelle à la chinoise s'imposerait tout à fait : on devrait contraindre les hordes de jeunes citoyens et de jeunes citoyennes à demi-dévêtus qui se déversent dans les rues le soir venu, dépensant des deniers provenant on ne sait trop d'où, à participer à la corvée collective et, aux sons de chants patriotiques, employer leur insatiable énergie à nettoyer avenues et squares plutôt que de les laisser hurler leurs insanités dans la nuit. L'avalanche de détritus qui jalonne les rues est sans doute le résultat des faméliques fontes hivernales. Toujours est-il que des bouges sordides de Macao aux marchés clandestins de Yaoundé, il n'existe au monde de trottoirs aussi malpropres et abandonnés aux chiens - si bien élevés soient-ils - et de parcs aussi sordides parsemés d'arbres malheureux, qu'ici. "Ce n'est qu'un court moment de fête et de réjouissance pour exorciser les frustrations d'un trop court hiver ; on fera le ménage tout à l'heure." D'accord, mais vous conviendrez avec moi que de nos jours le Bairro Alto de Lisbonne ou le Red Light de Hambourg ressemblent à s'y méprendre à des églises monastiques devant ce Plateau Mont-Royal. Ah ! une bonne pluie salvatrice ce matin. Ça va nettoyer tout ça un peu en attendant la colère divine ou la venue d'un mignon petit Mao bien de chez-nous...

lundi 1 mars 2010

Qualités et privilèges de l’acteur de théâtre

Comme notre métier à Québec nous amène à se consacrer presqu’exclusivement à la scène, mes réflexions quant à la pratique théâtrale se sont nécéssairement peaufinées au fil des années. Les questions demeurent nombreuses, mais les réponses s’imposent parfois d’elles-mêmes. Ainsi, je me suis questionné il y a peu sur les qualités dont doit faire preuve un acteur de théâtre pour persevérer et voilà, en peu de mots, ce que j’en ai déduit.

Les principales qualités d’un comédien de théâtre doivent être, selon moi, l’abnégation et le courage. Abnégation, car il doit être en mesure d’oublier ce qu’il est - ou ce qu’il croît être – pour personnifier quelqu’un d’autre, soir après soir. Cet exercice de transsubstantiation - se vider de soi pour laisser place au personnage - ne peut se faire sans une bonne dose d’humilité quelque soient les qualités du personnage. Le personnage que devra endosser l’acteur sera parfois désagréable, son âme sera salie, ses propos seront noirs. L’acteur devra néanmoins lui faire une place en son propre corps. Le corps de l’acteur devient alors un réceptacle de l’âme du personnage qui – sans lui – n’existerais pas. L’âme du personnage n’aura de poids que lorsqu’elle se nichera au sein de l’acteur. Et cela doit se faire avec le consentement, l’abandon, de ce dernier. Parfois, le personnage est trop volumineux, l’enveloppe trop étroite. Parfois c’est l’inverse qui se produit : le corps de l’acteur ou ce qu’il croît être son corps, est trop vaste pour contenir l’âme du personnage. S’ensuit une distorsion : l’acteur trop imbu de lui-même ne rendra pas la juste parole de son personnage et celui qui se sous-estime n’aura pas assez de place à offrir à celui-ci. Il y a un juste milieu à trouver.

Quant au courage, il s’impose lorsque l’acteur a l’impression de monter sur scène comme on monte au front, quand l’acteur s’apprête à livrer un combat qu’il sait pouvoir gagner. À notre époque où le moindre effort est méritoire celui qui consiste à abandonner âme et corps pour une cause qui n’est pas proprement la sienne est, selon moi, sublime. L’acteur de théâtre, par son sacrifice, peut mener un constant combat de libération.Sans prétendre changer le monde, l’acteur de théâtre est tributaire d’une vision franche de l’humanité, porteur, la plupart du temps, du flambeau d’une parole forte et c’est un privilège qu’il se doit d’honorer de toutes ses qualités.