lundi 1 mars 2010

Qualités et privilèges de l’acteur de théâtre

Comme notre métier à Québec nous amène à se consacrer presqu’exclusivement à la scène, mes réflexions quant à la pratique théâtrale se sont nécéssairement peaufinées au fil des années. Les questions demeurent nombreuses, mais les réponses s’imposent parfois d’elles-mêmes. Ainsi, je me suis questionné il y a peu sur les qualités dont doit faire preuve un acteur de théâtre pour persevérer et voilà, en peu de mots, ce que j’en ai déduit.

Les principales qualités d’un comédien de théâtre doivent être, selon moi, l’abnégation et le courage. Abnégation, car il doit être en mesure d’oublier ce qu’il est - ou ce qu’il croît être – pour personnifier quelqu’un d’autre, soir après soir. Cet exercice de transsubstantiation - se vider de soi pour laisser place au personnage - ne peut se faire sans une bonne dose d’humilité quelque soient les qualités du personnage. Le personnage que devra endosser l’acteur sera parfois désagréable, son âme sera salie, ses propos seront noirs. L’acteur devra néanmoins lui faire une place en son propre corps. Le corps de l’acteur devient alors un réceptacle de l’âme du personnage qui – sans lui – n’existerais pas. L’âme du personnage n’aura de poids que lorsqu’elle se nichera au sein de l’acteur. Et cela doit se faire avec le consentement, l’abandon, de ce dernier. Parfois, le personnage est trop volumineux, l’enveloppe trop étroite. Parfois c’est l’inverse qui se produit : le corps de l’acteur ou ce qu’il croît être son corps, est trop vaste pour contenir l’âme du personnage. S’ensuit une distorsion : l’acteur trop imbu de lui-même ne rendra pas la juste parole de son personnage et celui qui se sous-estime n’aura pas assez de place à offrir à celui-ci. Il y a un juste milieu à trouver.

Quant au courage, il s’impose lorsque l’acteur a l’impression de monter sur scène comme on monte au front, quand l’acteur s’apprête à livrer un combat qu’il sait pouvoir gagner. À notre époque où le moindre effort est méritoire celui qui consiste à abandonner âme et corps pour une cause qui n’est pas proprement la sienne est, selon moi, sublime. L’acteur de théâtre, par son sacrifice, peut mener un constant combat de libération.Sans prétendre changer le monde, l’acteur de théâtre est tributaire d’une vision franche de l’humanité, porteur, la plupart du temps, du flambeau d’une parole forte et c’est un privilège qu’il se doit d’honorer de toutes ses qualités.

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