mercredi 2 juin 2010

Que peut la littérature ?

Toute oeuvre littéraire digne de ce nom peut être considérée par l’acteur comme une bible, chacune des pages recelant de multiples pistes et indices qui sauront se révéler utiles voire essentielles pour jouer.

On s’en doute, pour atteindre l’excellence dans le métier d’acteur, il faut être en mesure d’offrir des portraits humains cohérents à nos contemporains. Pour se faire, le praticien doit d’abord être en mesure de décoder les grandes trames qui façonnent cet animal étrange. Les premiers outils demeurent l’observation et l’imitation, mais ils suffisent rarement à eux seul. Pour accéder à l’inconscience et à l’immatériel, pour parvenir à dépasser le seul stade de la copie, l’acteur doit être en mesure de sonder les tréfonds de la conscience, savoir lire l’invisible pour, ultimement, être en mesure de le représenter sur scène. Pour se faire, une propre introspection, même solide, ne suffit pas. Il lui faudra plonger dans le fil d’autres pensées et la meilleure façon d’y parvenir demeure, selon moi, la lecture.

La lecture d’un livre, de par l’intimité inhérente à l’activité, permettra à l’acteur de s’imprégner de la pensée de son auteur et, s’il s’avère bien écrit, de saisir certains des réflexes qui conditionnent la psyché humaine. Cet exercice pourra culminer en une symbiose, une communion entre l’auteur et le lecteur. Celui-ci ressentira d’une certaine façon ce que l’auteur à vécu émotionnellement lors de l’écriture. S’il est en de bonnes dispositions, il accédera à des niveaux de conscience que l’auteur lui-même ne soupçonnait pas avoir atteint. L’acteur/lecteur devra s’en servir par la suite pour son jeu.

L’exemple le plus stimulant et le plus pertinent qui me vient en tête est survenu à la lecture de "Mon année dans la baie de Personne" de l’auteur autrichien Peter Handke paru en 1994. J’étais alors en formation au Conservatoire d’Art Dramatique de Québec et, pris dans le tourbillon de l’apprentissage du métier d’acteur, je ne soupçonnais pas que la lecture de ce livre me fournirait la clé de bien des chemins que je serais éventuellement amené à emprunter. L’histoire est toute simple : un écrivain, alter-ego de l’auteur, s’installe à sa fenêtre donnant sur une place tranquille d’une banlieue parisienne puis se prend à imaginer ce que vivent, en l’instant, chacune de ses connaissances éparpillées de par le monde. On s’imprègne de l’intimité de cet homme qui, s’arrêtant pour contempler le monde visible, accède à l’universel et replonge la seconde suivante en des lieux fantasmés sur les traces de ceux qu’il aime. Brillant.

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